Au jeune musée parisien Art Ludique se déroule en ce moment une belle exposition sur les dessins du studio Ghibli.
Géant aujourd’hui incontournable du film d’animation japonais, le studio Ghibli est né de la rencontre entre le réalisateur Isao Takahata et son collègue Hayao Miyazaki (leur retraite a d’ailleurs contraint le studio à arrêter la production de nouveaux films). En s’associant, les deux génies du film d’animation ont donné naissance à un label innovant dans le paysage de l’animation japonaise, qui est devenu avec le temps un gage de qualité et une référence dans le monde entier (Le voyage de Chihiro a été le premier film d’animation à recevoir un Ours d’or au prestigieux festival de Berlin en 2002).
Après Pixar et Marvel, le musée Art Ludique s’attaque donc à ce monument de la culture de l’animation. En partenariat avec le musée des studios, les créateurs de l’exposition relèvent le pari ambitieux de donner à voir les rouages de la création du film d’animation labellisé Ghibli à partir des layouts originaux qui ont donné naissance aux films que nous connaissons.
Le layout (le sujet même de l’exposition) est le document intermédiaire entre le storyboard (la trame des plans principaux de l’histoire du film) et les dessins qui serviront à élaborer le film final. Ce sont à la fois des feuilles de route et des croquis, sur lesquels sont détaillés les plans qui composeront le film d’animation (quels sont les éléments en mouvement, quelles sont les parties de l’image qui vont bouger, dans quel sens et à quelle vitesse, l’enchaînement des plans, les travellings…)
De Heidi au Conte de la princesse Kaguya, en passant par Le tombeau des lucioles, Le château dans le ciel, Porco Rosso, Pompoko, Mes voisins les Yamada,… Tous les grands films d’animation du studio sont représentés dans cette exposition très riche et très techniques sur les dessous de leur création. L’exposition adopte un parcours chronologique après une courte mise au point sur le vocabulaire du cinéma d’animation. A la suite d’un petit rappel des principaux films dont il sera question lors de la visite, celle-ci démarre avec Nausicaä de la vallée du vent et s’achèvera sur les derniers-nés du studio, à savoir Le vent se lève (Hayao Miyazaki, 2013), Le conte de la princesse Kaguya (Isao Takahata, 2014) et Souvenirs de Marnie (Hiromasa Yonebayashi, sortie prévue le 14 janvier 2015 en France).
Petit conseil : munissez-vous de l’audioguide. J’ai commis l’erreur de ne pas y prêter attention à l’entrée dans l’exposition, mais il est essentiel… Autrement, il est difficile de comprendre le langage de ces documents, très techniques et présentés tels quels dans l’exposition. Il y a bien quelques légendes écrites par-ci par-là, mais dans un souci d’alléger le propos, elles sont très peu nombreuses et très succintes. Il m’a donc fallu un temps pour comprendre comment les observer et quels en étaient les éléments importants… Sans autres explications que le glossaire présenté en début de parcours, je ne vous cache pas que c’était un peu laborieux dans les premières salles.
Ca ne m’a pas empêché d’apprécier la richesse des documents présentés ni d’observer la minutie du travail présenté. L’exigence de Miyazaki est visible dans chacun de ses layouts. Il est également très appréciable que cette exposition Ghibli ne soit pas uniquement une expo « Miyazaki », car il n’est pas le seul créateur du studio à être mis en valeur dans l’exposition. La confrontation entre son univers féérique et celui, beaucoup plus réaliste, de Isao Takahata révèle la capacité du studio à traiter de sujets très différents et à faire naître de nouvelles plumes (Goro Miyazaki et Hiromasa Yonebayashi, entre autres).
Si j’ai eu très peur dans les premières salles par le manque de démonstrations vidéos, de mise en parallèle des documents écrits avec le film, je suis vite retombée sur mes pieds, mais à l’instar du Journal du geek dans sa chronique, je recommande l’exposition aux connaisseurs des techniques d’animation ou aux amateurs des Studios Ghibli. L’exposition utilise un vocabulaire éclairé et part du principe que les films d’animation présentés sont familiers au public… Les enfants, quant à eux, perdent vite patience quand ils ne sont pas dans les salles des films qu’ils connaissent et la queue pour la photo offerte à la sortie (mise en bannière de l’article) pose beaucoup de problème aux parents pour gérer leur lassitude ! En effet, on fait la queue dans la dernière salle de l’exposition (ce qui gâche un peu la fin de la visite), il y a peu d’espace pour leur permettre de bouger et aucun dispositif ludique ou interactif (en-dehors donc de la photo en elle-même) pour leur permettre de s’approprier le contenu de l’exposition… Et c’est dommage, je trouve, étant donné qu’ils en ont très envie (ils sont nombreux à réclamer à la sortie : « Maman, ce soir on peut regarder Ponyo ? », ou à vouloir dessiner à leur tour)…
Quant à la boutique, elle est assez fournie : goodies, sérigraphies sous forme de cartes postales, pochettes plastique… Mais autant vous prévenir, tout y est assez cher. Le catalogue de l’exposition, en comparaison, est un investissement bien plus raisonnable (36€ pour un livre très épais qui reprend la totalité des layouts présentés dans l’exposition plus certains qui n’y figurent pas, contre 35€ pour un sac Totoro ou 12€ pour un strap minuscule à l’effigie d’un esprit de la forêt). Mon choix s’est donc porté sur ce volumineux et lourd catalogue (d’autant plus que j’étais un peu frustrée d’être passée à côté des premières salles).
Prévoyez 15,50€ pour le billet d’entrée, 12,50€ en tarif réduit, et entre 2 et 3 heures de visite selon votre goût pour le détail (et le monde qu’il y aura). L’expo se termine le 1er mars 2015.