Cinq façons de raconter Le Petit Chaperon Rouge

Salut à tous !

Aujourd’hui, un article un peu particulier autour d’un de mes contes favoris, le Petit Chaperon Rouge. En réfléchissant à la façon dont j’allais vous en parler, ce qui devait être la présentation d’un titre paru cette année s’est transformé en étude comparative de cinq versions de la même histoire parmi mes préférées.

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La chanson du nez cassé de Arne Svingen

La chanson du nez cassé / Arne Svingen. – Magnard jeunesse, 2014

Avec La chanson du nez cassé, paru chez Magnard en fin d’année 2014, l’auteur norvégien Arne Svingen nous livre le portrait lumineux d’un Billy Elliott du 21e siècle. Il est temps pour moi de vous parler de ce petit roman qui ne paie pas de mine mais qui fait drôlement du bien.

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Animation : Sortilèges d’Emily Gravett

Nouvelle animation, nouveaux albums : nouvelles idées… 🙂

Sortilèges / Emily Gravett. – Kaléidoscope, 2008

Un bel album paru chez Kaléidoscope que nous avons raconté à des enfants de moyenne section de maternelle dans le cadre d’un cycle d’animations autour des personnages de contes. Nous avions parlé du loup et des personnages de la forêt lors de notre premier passage dans l’école, et pour cette seconde séance il était question de sorcières… et de sortilèges. Alors, c’est vrai que dans les contes, les sorcières adorent transformer les princes charmants en crapauds, histoire de ruiner leur beauté, leur classe, leur fierté… et toutes leurs chances d’épouser la princesse du coin. Leur seul moyen de se sortir de ce piège, c’est de convaincre une princesse de les embrasser… Un peu dur, quand on est vert et plein de pustules !

Le crapaud de Sortilèges, lui, l’a bien compris. C’est un crapaud authentique, mais rêveur, dont l’ambition est de pouvoir embrasser un jour sa propre princesse… Quand il trouve ce livre de sorts déchiré, il est bien déçu de voir qu’il ne parle ni d’amour ni d’aventures : « Ce n’était qu’un vieux livre de sortilèges, et il n’était qu’un petit crapaud vert », conte Emily Gravett. Et puis, le petit crapaud met la main sur un « Sortilège pour devenir Prince Charmant ». Voilà qui fait bien son affaire ! Il tente donc de reconstituer le fameux sort à partir des pages déchirées…

Extrait de Sortilèges, d’Emily Gravett (Image : Fnac.com)

Pas évident de trouver la bonne formule à partir de tous ces morceaux !

Ensuite, les pages se découpent en deux horizontalement. Sur la page de gauche, la formule testée et sur la page de droite, l’animal (ou le morceau d’animal) qui lui correspond. Emily Gravett simule ainsi un pêle-mêle où le pauvre petit crapaud se fait tour à tour lapin, oiseau, triton, serpent, « cr-epent », « l-iseau », « s-iton »…

Extrait de Sortilèges, d’Emily Gravett (Image : Fnac.com)

Jusqu’au moment où, enfin, le voilà devenu prince ! Nu comme un ver, mais très charmant, le voilà enfin prêt à embrasser la princesse de ses rêves ! Malheureusement, tout sortilège a une contrepartie… Emily Gravett conclut avec son humour bien à elle cette expérience de lecture interactive.

Quatrième de couverture de Sortilèges, d’Emily Gravett (Image : Gibertjoseph.com)

Pour lire cet album de façon collective sans frustrer les enfants qui ne pourraient pas le manipuler, nous avons décidé de l’accompagner de sons et de gestes afin que sa lecture reste ludique pour notre public. Nous avons donc utilisé un crapaud en bois pour ponctuer les premières pages puis nous avons transformé les formules magiques en jeu de geste, en faisant répéter la formule aux enfants… avant de leur montrer l’étrange résultat de leur incantation.

Cette petite percussion simule très bien le coassement du crapaud… Et incarne le personnage principal de l’album pour les enfants.

Succès garanti, mais pour produire complètement son effet, l’album nécessite aussi d’être manipulé par les enfants individuellement. Ils prendront beaucoup de plaisir à jouer à leur tour aux apprentis sorciers !

Emily Gravett fait toujours des albums drôles, dans lesquels elle joue avec les matières et le volume du livre. Elle aménage autour de ses histoires des moments de jeu dont sont friands petits et grands…

Le loup ne nous mangera pas ! / Emily Gravett. – Kaléidoscope, 2010

Les loups / Emily Gravett. – Kaléidoscope, 2005

Le grand livre des peurs / Emily Gravett. – Kaléidoscope, 2007

Avant de conclure par cet album, nous avions également présenté…

Il était plusieurs fois / Emmanuelle Bastien. – L’atelier du poisson soluble, 2014

Et pourquoi ? / Michaël Van Zeveren. – L’école des loisirs, 2007 (Pastel)

Crocs / Terkel Risbjerg. – Thierry Magnier, 2014 (collection Tête de Lard)

Cornebidouille / Magali Bonniol et Pierre Bertrand. – L’école des loisirs, 2003

Les deux petits monstres / Michaël Escoffier et Gwendal Blondelle. – Kaléidoscope, 2011

Le grand voyage de mademoiselle Prudence

Dans la catégorie des albums jeunesse que j’ai adoré faire en animation, je vous présente Le grand voyage de Mademoiselle Prudence, de Charlotte Gastaut.

Le grand voyage de Mademoiselle Prudence / Charlotte Gastaut. – Flammarion, 2010

Dans cet album, une petite fille intrépide nommée Prudence rêve. Sa mère a beau l’appeler, lui dire de se dépêcher, lui rappeler qu’il faut être gentille, elle ne l’écoute que d’une oreille et préfère se laisser happer par son imagination.

Vous ne trouverez de texte que sur les premières et la dernière page. Le voyage de Prudence se déroule sur des double-pages colorées, avec des petites fenêtres ou qui se superposent en transparence, complètement émancipées du récit. C’est un album qui se montre et qui se regarde plus qu’il ne se raconte, et c’est ce qui fait toute sa poésie.

Outre la qualité des illustrations de Charlotte Gastaut, les images sont très riches en détails et le personnage de mademoiselle Prudence est délicieusement intrépide.

En lecture individuelle, en accompagnant un enfant qui parcourrait cet album , on pourra inviter le jeune lecteur à prêter une attention particulière à tous les détails. C’est également intéressant de présenter cet album en lecture collective sur un fond musical pour varier le contenu d’une animation et aménager un temps où les enfants peuvent s’immerger eux-mêmes dans un récit de leur propre interprétation… l’intérêt étant de leur donner envie de regarder à nouveau l’album pour aller à la pêche aux détails qui leur auraient échappé pendant l’animation.

En lecture collective, préférez une tranche d’âge qui n’aura pas de mal à se laisser emporter par la poésie des images : ce n’est pas forcément un album qui conviendra pour une animation avec une classe de maternelle. En revanche, les 5 à 8 ans seront plus aptes à s’approprier l’histoire.

Lors de notre animation (classe de CE1), voici le fond musical que nous avions choisi :

Il s’agit donc de lire les premières pages (la mère qui appelle sa fille, l’assène de consignes pas marrantes) puis, quand Prudence cesse d’écouter et que le texte disparaît, on peut lancer la musique. Attention à trouver un bon rythme pour tourner les pages : surtout pas trop vite (pour laisser le temps au public d’avoir un aperçu des détails des images), mais pas trop lentement non plus (au risque de perdre la concentration de votre public). Vous pouvez vous caler sur les thèmes de la musique que vous aurez choisi (ce que nous avons fait avec ce morceau) pour déterminer votre vitesse de démonstration… Et il faudra surtout être attentif à l’attitude de votre public !

Lors de notre animation dans cette classe, nous avons également raconté et montré…

Tu lis où ? / Géraldine Collet et Magali Le Huche. – Glénat, 2009 (P’tit Glénat)

Ma jungle / Antoine Guilloppé. – Gautier-Languereau, 2012

Brindille / Rémi Courgeon. – Milan, 2012

Cherche figurants / Michaël Escoffier et Jean-François Dumont. – Kaleidoscope, 2011

Popville / Anouck Boisrobert et Louis Rigaud. – Helium, 2009

Les robots n’aiment pas l’eau / Philippe Ug. – Les Grandes Personnes, 2013

Je ne peux que vous inviter à découvrir plus avant l’univers de Charlotte Gastaut, qui a publié de magnifiques albums, notamment des contes (dont une version remarquable du Lac des Cygnes et récemment une belle adapatation de L’oiseau de feu).

L’oiseau de feu / Charlotte Gastaut d’après Igor Stavinsky. – Amaterra, 2014

Le lac des cygnes / Charlotte Gastaut d’après Tchaïkovsky. – Amaterra, 2012

La maison en petits cubes, prix Sorcières 2013

Aujourd’hui, je vais vous parler de La maison en petits cubes, de Kunio Katô et Kenya Hirata, paru chez Nobi Nobi! l’année dernière.

Si vous vous intéressez un tant soit peu à la littérature jeunesse et/ou à la culture japonaise, vous avez forcément entendu parler de ce succès éditorial, récompensé par le Prix Sorcières et mis à l’honneur au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil (2012). Il s’agit d’un album jeunesse, mais aussi d’un court-métrage. L’un comme l’autre raviront les amateurs de récits émouvants qui vous font monter la larme à l’œil.

La maison en petits cubes / Kunio Katô et Kenya Hirata. – Nobi nobi!, 2012

L’histoire est celle d’un vieil homme qui vit sur la surface d’un monde sur lequel le niveau de l’eau ne cesse de monter. Par conséquent, pour éviter d’être inondés, les habitants construisent de petites maisons carrées les unes sur les autres à mesure que le niveau monte. Un vieil homme, veuf, doit un jour descendre chercher ses outils, qu’il a fait tomber dans l’eau. Il plonge donc dans l’eau, et à mesure qu’il s’y enfonce, ses souvenirs lui reviennent…

Lire cet album, c’est se plonger comme ce monsieur dans ses souvenirs d’avant. Remonter le cours de sa vie jusqu’au jour où tout a commencé. C’est aussi comprendre à quel point la mémoire est quelque chose de précieux, d’inestimable, et à quel point c’est beau de se replonger dans des vieux souvenirs …

Un album qui se lit tout en douceur, et on prend conscience en le lisant que c’est important de se rappeler des sentiments qui ont fait notre vie, qu’ils soient bonheur ou tristesse. Un petit bijou à partager en famille !

PS : si vous aimez le trait japonais, je vous invite à découvrir la maison d’édition Nobi-Nobi, et à feuilleter leurs autres albums.

Louis le Galoup, coup de coeur jeunesse

Bonjour à tous !

Aujourd’hui, je vais vous faire la chronique (y’avait longtemps, tiens) d’une série jeunesse que j’ai découverte il y a déjà presque deux ans, mais sur laquelle je n’avais jamais réussi à mettre la main jusqu’à il y a peu. Il s’agit de Louis le Galoup, de Jean-Luc Marcastel et Jean-Mathias Xavier.

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Tout d’abord, un petit point sur l’histoire. L’histoire se déroule dans une France du XVe siècle (je dirais), plus précisément dans le Sud de la France : cette France là est séparée en deux dans la largeur par une brèche d’où s’échappent des effluves maléfiques qui transforment les animaux en monstres. L’action se déroule dans cette moitié sud indépendante, constituée en un royaume appelé Occitania. Notre héros, Louis, treize ans, vit dans un petit village des montagnes avec son frère Séverin, dans une famille de petits nobliaux dans laquelle il n’ont pas leur place. Leur vie est rythmée par les travaux des champs (ils n’ont pas le droit, mais ils aiment bien filer un petit coup de main aux paysans), et de temps en temps, par le passage d’un colporteur appeléThierry. Or voilà qu’un soir, une malebeste (un monstre créé par la Brèche) attaque les troupeaux du village. C’est dans l’atmosphère tendue de ce massacre que débarque Thierry, avec des nouvelles de la situation dans le royaume où l’usurpateur du trône, le détestable Vicomte de Marsac, fait régner un régime de terreur, ni plus ni moins. Et lorsque Louis se retrouve le soir-même nez-à-nez avec la malebeste pour la seconde fois, il se découvre un pouvoir qu’il ne soupçonnait pas… Et qui pourrait bien décider du destin d’Occitania ! Le voilà donc contraint à quitter son foyer accompagné de son frère et de la « sorcière » du village, une jeune fille intrépide surnommée la Roussotte

J’ai découvert cette série lors de l’édition 2010 du Salon du Livre et de la Presse jeunesse de Montreuil. Une de mes camarades et moi-même avions un travail à réaliser qui consistait à interroger des intervenants sur le salon : éditeurs, organisateurs mais également un auteur ou un illustrateur en dédicace. C’est ainsi que nous avons fait la rencontre de Jean-Mathias Xavier, illustrateur de l’histoire écrite par Jean-Luc Marcastel. Il nous a parlé avec beaucoup de passion de son travail sur la série, et nous avons même eu droit à un dessin de dédicace, un très beau portrait de la Roussotte. J’avais enregistré dans un coin de ma tête la référence, mais qui dit petit éditeur dit peu de présence en librairie. N’ayant pas particulièrement retrouvé le livre dans les rayons, j’ai un peu laissé cette histoire de côté…

Jusqu’à il y a quelques mois, quand une de mes collègues, préparant ses achats pour la rentrée jeunesse, cherche à compléter sa liste d’acquisitions. Voyant que la proportion de romans pour les jeunes est plutôt faible, je me permets de lui parler de cette série, dont la bande-annonce faisait envie et qui laissait promettre de quoi satisfaire les lecteurs collégiens… Et c’est ainsi que les deux premiers tomes se sont retrouvés sur la tourelle de nouveautés de la médiathèque. Je guettais l’instant où ils reviendraient en rayon, et je me suis lancée un peu timidement dans la lecture du premier tome.

Eh bien on ne peut pas dire que je sois restée sur ma faim. J’ai dévoré les deux tomes à la suite (pour tout dire, je les ai empruntés samedi dernier et je m’y suis attaquée lundi). Il m’a fallu quelques heures pour l’un comme pour l’autre, et là, j’étais soufflée, parce que cette série est absolument géniale !

Je vais commencer par les éventuels reproches qu’on pourrait lui faire : l’histoire a typiquement la structure du roman d’aventures pour jeunes, et on devine très aisément ce qui va se passer par la suite. Certains y voient là une sorte de banalité et de prévisibilité qui leur gâche la lecture, mais personnellement, je suis loin d’être de leur avis. Au contraire ! Le récit d’initiation par excellence, avec une structure narrative semblable à celle des contes, c’est ce qui fait que justement, la volonté de Jean-Luc Marcastel de faire de son récit une histoire à raconter au coin du feu prend tout son sens. Il en va absolument de même pour les personnages : ils ont un principal trait de caractère qui les définit, ou bien ils incarnent une valeur particulière. Ce n’est absolument pas gênant, et au contraire, c’est ce qui fait qu’on comprend leur importance et la portée de leur rôle dans l’histoire dès leur apparition. « Ah ptain, il va se passer un truc avec lui là, obligé ! », c’est la phrase que je me suis répétée à l’apparition de chaque nouveau personnage. Car personne n’est relégué au rang de « pas important » ou d’ « accessoire », chacun a un rôle précis dans l’histoire et dans la quête de Louis.

En parlant des personnages, j’en suis tombée amoureuse, surtout des deux principaux : Louis et sa Roussotte ! Quel couple génial ils forment, ces deux-là, et drôle avec ça ! Bon j’aime bien Malemort aussi, il a un petit côté Anakin Skywalker « gentil devenu méchant » qui m’intrigue beaucoup (enfin pour son identité, c’est pas très difficile à deviner).

Ensuite, Jean-Luc Marcastel est un excellent écrivain. Il n’y a pas une seule seconde de relâchement dans l’action, mais surtout, il manie la langue à la perfection. Ses tournures de phrases sont réfléchies, travaillées, musicales et ses métaphores poignantes et colorées. Ajoutez à ça une maîtrise parfaite d’une langue extrêmement soutenue et un peu archaïque (dans le vocabulaire et dans certaines techniques de construction des phrases), par moments orale, par d’autres extrêmement poétique, et vous avez vraiment l’impression qu’il vous raconte une histoire devant l’âtre. Ses phrases permettent à ses personnages et à ses décors – et quels décors, s’il vous plait ! – de prendre corps. On sent dans chaque mot, chaque phrase l’amour qu’il porte à son univers, à sa région natale et à ses personnages.

Un professeur disait justement l’autre jour : « un texte, quand on le lit à voix haute, ça s’inspire et ça s’expire ». Eh bien, là, pas besoin de le lire à voix haute : il respire de lui-même et résonne mentalement comme poésie ! (petit clin d’œil à une tournure que Marcastel aime bien utiliser).

Ma seule déception : les magnifiques illustrations de Jean-Mathias Xavier ne sont presque pas utilisées (à part pour ouvrir et clore le texte) dans l’édition de poche. C’est vraiment dommage, j’ai l’impression de manquer une partie de l’histoire ! Du coup j’ai épluché son blog, mais ce n’est pas la même chose que de voir les illustrations s’insérer dans le texte… Je vais de ce pas chercher la version illustrée (enfin, à mon avis, soit j’attends le prochain salon du livre jeunesse, soit je les commande, ça m’étonnerait que je les trouve comme ça).

Bref : un énorme coup de cœur. Je recommande très vivement cette série aux amateurs de fantasy et de contes !